dimanche 30 septembre 2007

Pendons la crémaillère.


Bien que ce ne soit pas vraiment un déménagement. Comme je l’expliquais sur mon Ramasse-miettes, il devenait nécessaire de classer à part un certain nombre d’articles, pour des raisons de place, d’abord, et ensuite parce que la présentation donnait l’impression que je traitais les artistes dont je parlais comme mes collègues. Comme ce blog reste lié à l’autre, on pourra y retrouver certaines de mes références, sujets d’admiration ou d’aversion (même si j’ai peu donné dans cette catégorie jusqu’alors). Le Ramasse-bave, ombre du Ramasse-miettes, sera donc quelque chose de plus conventionnel.

Pour ce premier article, c’est par hasard que j’ai choisi la peinture de Caspar David Friedrich (1774–1840). C’est un artiste auquel je pense rarement, mais à chaque fois qu’il m’est arrivé de tomber sur une reproduction d’une de ses œuvres, j’ai été surpris de la rapidité avec laquelle on reconnaît sa patte. Bien sûr, il y a la palette, les thèmes abordés (la présence courante de figures isolées, d’arbres tordus et d’architecture gothique). Mais je me demandais quand même ce qui pouvait faire distinguer de loin et très rapidement un Friedrich d’un Vernet (autre paysagiste de deux générations plus ancien).
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Lever de lune sur la mer, Friedrich (1822)





Naufrage, Vernet (vers 1760/70)



Bon, tout un tas de facteurs entrent en jeu, mais ce qui semble assez typique de la manière de Friedrich, c’est ce genre de composition :



Des arcs de cercle symétriques en haut et en bas d’une ligne d’horizon, ce que l’on perçoit très nettement sur certains paysages :


Grand enclos , vers 1832

Quand cela est moins évident, on trouve généralement la trace de cette figure dans la partie supérieure du tableau (à l'horizon):

L'Arbre solitaire, 1822

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"Le voyageur au-dessus de la mer de nuages", 1818


Même si ce n’est pas systématique : on trouve aussi des compositions de droites horizontales et diagonales


"La Mer de glace", 1824

dans cette belle illustration de l'horreur polaire vue par le XIXe siècle, analysée dans un ancien article de "la boîte à images".

Ce que je me demande, c’est si cette composition en arcs de cercles accentuant l’effet panoramique existait avant les prémisses du romantisme. Graphiquement, c’est de la perspective, mais le sens semble différent de ce que pourrait sous-tendre une perspective avec point de fuite. Dans ce dernier cas, c’est l’aspect accidentel du point de vue qui est souligné (puisque tout concourt vers un point et qu’il y a une infinité de points dans l’univers). Tandis qu’avec cette composition en paraboles ou arcs de cercles, on a la sensation du tout, de l’unité, de l’englobement du sujet peint dans une sphère plus vaste.


Par ailleurs, je pense que cette vision romantique de l’univers a influencé plusieurs générations d’illustrateurs de traités d’astronomie, en particulier celui de l’ouvrage « Sur les autres mondes » de Lucien Rudaux (1937), où l’on ne perd jamais une occasion de représenter un lever d’astre énorme sur un monde dépouillé. Un condensé d’astronomie, finalement, puisque l’illusion de la platitude y côtoie l’illustration de la rotondité des mondes:
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