mercredi 30 décembre 2009

« Cheval blanc, dragon jaune »

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C'est le titre d'un roman récompensé par un prix littéraire tchèque (apparemment un concours organisé par un éditeur). Dans ce livre, une jeune tchèque d'origine vietnamienne retrace son existence, tous les problèmes liés à sa double identité, au racisme, etc., etc. Le jury a adressé des félicitations spéciales au "premier membre d'une ethnie autre que tchèque" à recevoir le prix.
Mais à y regarder de près trois minutes, c'est un titre assez vulgaire, également: "Cheval blanc" pour l'Europe! "Dragon jaune" pour l'Asie!!!
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Et pour cause: il s'agissait d'un canular mis au point par un écrivain pas du tout d'origine vietnamienne, un certain Jan Cempirek, fake voulu le plus grossier possible. Pour plus de détails sur cette histoire, voir fabula, ou le blog de Chabossot.
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Pourquoi relayer cette info somme toute anecdotique? La plupart des critiques se ridiculisent sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre: ils s'en remettent toujours, au point qu'il vaut mieux en pleurer qu'en rire. Ce qui est plus étonnant, c'est l'énergie du désespoir que l'on finit par trouver en face: une volonté d'aller jusqu'au bout dans le canular, un perfectionnisme de faussaire, un ressentiment créateur qui peut parfois forcer le respect.
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A ce titre, plus intéressante qu'une parodie de roman ethnique, il y a la vie de Han van Meegeren, peintre flammand perfectionniste égaré au XXe siècle et célèbre falsificateur de Vermeer, qui accordait autant d'importance à la haine qu'au pognon. Une existence d'une vanité fascinante, qui a inspiré à un biographe italien, Luigi Guarnieri, un ouvrage à peine romancé, La Double Vie de Vermeer (avec Hermann Göring en guest star).
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mercredi 9 septembre 2009

L'Alphabet coréen Hangul pour la première fois exporté

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C'est la première fois que la Corée connaît un rayonnement culturel de ce type. Assez modeste, il est vrai: le gouvernement d'une île indonésienne (Cia-cia) a jugé pratique d'adopter l'écriture coréenne pour transcrire sa propre langue (par ailleurs éloignée grammaticalement du coréen). Discrète vague de fierté dans la presse de la péninsule, ici ou ... Il est vrai que ce n'est pas rien: cet événement, ajouté à d'autres phénomènes, l'annonce que la Corée accueille maintenant suffisamment d'étrangers pour que cela devienne significatif d'un point de vue sociologique, par exemple, laisse à penser que la page "royaume ermite" est cette fois bel et bien tournée dans l'histoire du pays.

mardi 25 août 2009

Croquis à la galerie de l'évolution

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Tiens, il fait beau.


Une journée idéale pour s'enfermer avec des squelettes et des bocaux de formol.



mercredi 17 juin 2009

Le mur comme théâtre d'ombres

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J'ai entendu parler d'un usage détourné des murs en papier de riz des maisons traditionnelles coréennes (Hanok), qui relève de la décoration spontanée: quand la nuit est claire, les ombres des plantes sont projetées dessus depuis l'extérieur et visibles par transparence. Ce petit rien est apparemment assez apprécié, dans la tradition. Contrepartie du truc: tant que la lumière reste allumée à l'intérieur, les habitants offrent évidemment un spectacle d'ombres gratuit au premier voyeur venu...

vendredi 8 mai 2009

Si nous aimons la musique, c'est parce que... Quoi au fait?

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L'actualité scientifique est assez musicale en ce moment. Ici, c'est une expérience réalisée avec le concours d'un peuple africain apparemment préservé de la mondialisation musicale, expérience qui tendrait à soustraire une partie de l'émotion musicale au relativisme culturel (l'article n'y va pas de main morte sur les conclusions, donc prudence (1)). Là, c'est une chercheuse de Harvard, qui, passant ses journées à regarder danser des perroquets (Eh oui, pas de Schtroumfissime pour venir la gonfler, voilà qui va faire rêver nos chercheurs), aurait relié une capacité d'écoute de la musique à la faculté d'articuler des sons. À côté de la thèse de Leibnitz selon laquelle "si nous aimons la musique, c'est parce que nous comptons inconsciemment", il y en aurait donc une autre qui l'associerait plutôt à une forme d'intelligence vocale, si j'ai bien suivi - ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas, après, plusieurs manière de l'apprécier.


Si la première expérience tend à relativiser le rapport de l'écoute musicale à telle ou telle langue, la seconde semble devoir la rattacher à une forme "en puissance" de la faculté de parler.


Quant à faire de la musique, c'est encore autre chose...


(1) - j'ai vu plus d'éléments sur la seconde recherche que sur la première.)

mardi 5 mai 2009

Boire un thé aux chrysanthèmes et bouquiner

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Dans la rue Monsieur le Prince, près de l'Odéon se trouve l'espace Han-Seine, un restaurant coréen-salon de thé-librairie-et j'en passe (cours de langue, ateliers divers, conférences...) On y vend des objets d'artisanat et à peu près tous les bouquins qui ont un lien quelconque avec la Corée (littérature, ouvrages documentaires, livres illustrés, mais aussi des bédés et les livres des éditions Chan-Ok dont je parlais là).


Quand on prend un thé aux chrysanthèmes, on vous donne une bouilloire d'eau pour le ranimer et ça dure tout l'après-midi. Bref, un endroit peinard, un peu comme on en trouve dans le quartier Insadong à Séoul.


(Et presque en face dans la même rue il y a une grande librairie chinoise, où pour le coup on trouve à peu près tout ce qui paraît dans le monde concernant l'Asie... J'exagère à peine.)

dimanche 3 mai 2009

Quoi de neuf, petit homme?

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Ce roman de Hans Fallada (1897-1947), le second traduit en français, contemple au présent une Allemagne bizarre où les employés de bureau, les vendeurs et autres moyennes gens, aussi déstabilisés par la crise que par les nouvelles méthodes de gestion des ressources humaines, cherchent à remettre un peu de sens dans leur vie en se tournant vers le communisme, le nazisme ou le naturisme...


Ne sachant pas encore où tout cela va mener l'Europe, l'auteur ne privilégie pas forcément les éléments pour nous porteurs de signification historique. Ce quotidien disparu, bien qu'il soit dépeint avec peu d'effets, m'a donc apporté un certain sentiment de nouveauté. C'est également le cas dans son chef d'oeuvre, Seul dans Berlin (par lequel il vaut mieux commencer, sans doute), mais avec un contexte historique beaucoup plus dramatique: 39-45. Cet autre livre montre notamment le comportement habituel des Hitlerjungen jusque dans leurs familles ou les rapports conflictuels de la police judiciaire et des SS, fait assez peu abordé ailleurs. Mais j'ai toujours tendance à présenter les oeuvres réalistes comme de précieuses sources micro-historiques, ce qui les dessert un peu. Franchement à mon avis, les romans de Fallada valent cinquante fois mieux que les pensums chiants comme la pluie de Günther Grass, voilà, je cherchais le compliment approprié.

jeudi 30 avril 2009

Rapprochements fortuits? - Ben oui, peut-être finalement...

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J'ai revu High and Low, mon Kurosawa préféré dans la série des films noirs, dont je parlais ici en soupçonnant une scène importante d'avoir une légère tonalité xénophobe... J'avais trouvé révélateur que le lieu où le méchant vienne acheter de l'héroïne soit précisément un bar coréen, et j'avais vu derrière la représentation des américains quelque chose d'un peu revanchard. (enfin c'est plus nuancé dans le billet d'origine).


J'ai, donc, revu ce film en compagnie de quelqu'un qui était susceptible de réagir là-dessus. Verdict: si la volonté japonaise de se montrer à son avantage face aux américains a bien été perçue, en revanche la personne n'a pas été très convaincue par l'idée que la langue coréenne sortait diabolisée de cette scène. En fait, ces inscriptions en plusieurs langues lui semblaient assez anodines près d'un port (où se déroule l'action).


Bref, que Kurosawa puisse ou non m'attaquer en diffamation cinquante ans après, cela n'a pas beaucoup d'importance, mais par contre tout le petit jeu d'analyses auquel je me livrais à propos de la juxtaposition du texte et de l'image n'apparait pas très fondé. Flagrant délit de "lecture de l'image" dans le mauvais sens du terme.




mardi 21 avril 2009

Traçabilité de l'humaine bidoche

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Une condamnation du tribunal de grande instance de Paris vient d'interdire l'exposition "Our Body", qui mettait en scène de vrais corps humains préparés à l'aide d'une résine spéciale, méthode autorisant des postures très variées. Il semble que la provenance douteuse des corps soit la principale raison de cette sanction.


Nos amis nécrophiles pourront se reporter sur les écorchés d'Honoré Fragonard (je crois que le même genre de doutes pèse sur certains d'entre eux, mais il y a prescription). Ci-dessous, le Cavalier de l'apocalypse:





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dimanche 19 avril 2009

Expo Rivière

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Une exposition Henri Rivière vient de commencer à la BNF. L'occasion de voir des tirages originaux de la plupart des travaux de ce graveur sur bois qui a rêvé de refaire l'œuvre d'Hokusai à partir de ses propres lieux de prédilection et motifs de saison.

samedi 7 mars 2009

Barthmania

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On dirait que Roland Barthes est mûr pour le Panthéon. On en a parlé ici, , , encore là : ce serait céder à la facilité de dire qu’on le mythifie. On dit souvent de Barthes que c’était une plume formidable, mais que cela éclipse sa pensée, et que l’on reconnaît son talent d’écrivain pour mieux dissimuler qu’il nous dérange encore.


Je ne cacherai pas qu’il m’a dérangé quand j’ai lu pour la première fois Mythologies : je croyais aimer la montagne pour elle-même et j’ai appris que c’était par un atavisme bourgeois helvetico-protestant dont je n’ai pas retrouvé la trace dans ma généalogie ; j’ai également su que j’étais en puissance une sorte de pédomanipulateur mental porté à faire de l’enfant un pâle homoncule, copie réduite de l’adulte, car si j’avais un cadeau à faire à un moins de dix ans, j’étais susceptible de choisir une miniature en matériaux synthétiques ; par ailleurs, ne trouvant pas absurde que l’on fasse passer un encéphalogramme à Einstein, je me rendais également coupable d’une sorte de scientisme pentecôtiste (enfin je crois avoir compris ça). Comme le profane qui ouvre un dictionnaire de médecine, je m’apercevais que je présentais toujours l’un ou l’autre symptôme des pathologies décrites. Et pas de guérison possible, il cite St Just à la fin : le grand nettoyage révolutionnaire, etc. Bon, en même temps, quand on prend la pensée invectivante au premier degré on est forcément le dindon de la farce. Et puis nous sommes d’accord sur l’idée qu’il faut faire entrer le catch au répertoire de la Comédie Française, ce n’est pas négligeable.


Bref, je vais participer à la Barthmania, par une citation. C’est un passage de l’autocritique qui clôt Mythologies (« Le mythe aujourd’hui ») :

[…] le mythologue : il risque sans cesse de faire s’évanouir le réel qu’il prétend protéger. Hors de toute parole, la DS 19 est un objet technologiquement défini : elle fait une certaine vitesse, elle affronte le vent d’une certaine façon, etc. Et ce réel là, le mythologue ne peut en parler. Le mécano, l’ingénieur, l’usager même parlent l’objet ; le mythologue, lui, est condamné au métalangage. […] le vin est objectivement bon, et en même temps la bonté du vin est un mythe : voilà l’aporie. Le mythologue sort de là comme il peut : il s’occupera de la bonté du vin, non du vin lui-même, tout comme l’historien s’occupera de l’idéologie de Pascal, non des pensées elles-mêmes.


Dans ce passage, le Roland Barthes de la première période révèle cartes sur table en quoi sa pensée le dérange lui-même et en quoi il appelle la critique. Le demi-siècle qui nous sépare de lui nous donne un recul qui accentue encore « l’aporie » : on prétend simultanément que le langage peut être son propre référent (métalangage), et qu’une phrase telle que « Hors de toute parole, la DS 19 est un objet technologiquement défini : elle fait une certaine vitesse, elle affronte le vent d’une certaine façon, etc. » nous donne une idée satisfaisante de ce qu’est le réel :« hors de toute parole » seraient des formules de la science, telles que la vitesse, la résistance au vent… Problème.


Dans « Le mythe, aujourd’hui », Barthes s’inquiétait du fait que tout entre ses mains devenait mythe. C’est à se demander s’il n’a pas en fait exposé un seul véritable mythe : celui du langage-matière. L’emploi autonymique des mots (« chat prend un S au pluriel », « rouge est un adjectif de couleur ») serait le grand mythe linguistique, par lequel on se donne l’illusion de pouvoir remonter du signifiant au signifié, de la structure au sens. J’ai été éduqué dans une langue, mon oreille segmente les mots, donc je peux concevoir quelque chose comme une phonématique, une syntaxe, puis je crois que je peux traiter de la même manière la sémantique, comme une combinatoire de traits, et je profite de l’amalgame sémiotique qui étend le mécanisme de la signification à peu près à tout, pour faire du signe un principe néantisant. En prime, la notion de mythe permet d’assimiler n’importe quoi à une sorte de pensée magique (malgré la redéfinition laïque du mythe, cette connotation est abondamment exploitée).


Démythifier le foot ou la voiture est tentant pour le littéraire. Mais jouer une idéologie contre une autre ne constitue pas une discipline. Et le style de Barthes vaut quand même mieux que ses dogmes.

jeudi 26 février 2009

Optimisez votre production artistique en fonction de la demande en valeurs défensives

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C'est toujours rigolo le destin de l'Art vu par l'Expansion:


Deux inquiétudes majeures pèsent néanmoins sur l'ensemble du marché de l'art : le marché va-t-il être abondamment alimenté en oeuvres en raison d'un fort besoin en liquidité des collectionneurs, ou au contraire va-t-il s'appauvrir en raison de la réticence à vendre des collectionneurs face à la baisse des prix ? Par ailleurs, y a-t-il suffisamment de liquidités sur le marché pour que ces oeuvres trouvent des acquéreurs ?

Le nombre de lots par artiste proposés sur le marché va sans doute se réduire en 2009, notamment sur le secteur de l'art contemporain. La production des artistes sera probablement optimisée en fonction de la demande. Quant au manque de liquidités des acquéreurs, Thierry Ehrmann reste confiant. « En temps de crise des marchés financiers, l'art apparaît comme une valeur défensive. Beaucoup de liquidités des marchés financiers vont donc se reporter dans le marché de l'art », conclut le président d'Artprice.
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Rappelons aux artistes que le suicide est une valeur-refuge. La preuve: Van Gogh.

dimanche 8 février 2009

Encore de la promo pour des trucs coréens

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Si vous avez un livre à offrir à un enfant (genre sage, avant la période Grand Theft Auto), et que vous souhaitez lui faire découvrir un ailleurs, vous pouvez taper dans le catalogue des éditions Chan-ok (chez Flammarion), qui regroupe les travaux d'illustrateurs coréens aux styles variés, plus ou moins librement inspirés de la tradition.






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mercredi 14 janvier 2009

Alberto Breccia

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Il est sorti la semaine dernière au cinema une vie de Che Guevara qui a semble-t-il reçu un avis plutôt mitigé (voir par exemple: article de Libé ou interview du réalisateur par François Forestier).


Je n'ai pas vu le film, et je ne raffole pas des révolutions, ça fait trop de taches sur les murs pour porter au pouvoir des patriarches sadiques qui mettent des lustres à attraper des cancers de la prostate. Mais le débat qui accompagne le film, et qui tourne souvent autour de la question: "est-ce que ça a un sens une bio du Che ici et maintenant?", m'a rappelé que l'entreprise a déjà été tentée en BD, tandis que l'actualité des faits était encore brûlante.


Il s'agit du Che des argentins Alberto et Enrique Breccia (dessin) et Hector Oesterled (scénario), dont on peut voir quelques pages sur le site de Fremok, l'éditeur français. Le livre, qui a été conçu à des fins militantes et ne cache pas ses intentions hagiographiques, est un étrange mélange d'un style comic classique et des expérimentations (collages, taches, motifs psychédéliques, mélange de réalisme et de caricature) caractéristiques de Breccia père (Alberto). C'est semble-t-il cet album, entre autre choses, qui vaudra au scénariste d'être assassiné par la dictature militaire.


Alberto Breccia, maître de Munoz, a produit par la suite un énorme roman BD, Perramus, dont chaque case est une vraie composition picturale. On pourra commencer par là si l'on veut en prendre plein les yeux.





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