samedi 7 juin 2008

PS

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Toujours à propos du rêve, je voudrais juxtaposer une image de plus au texte de la dernière fois. Il s’agit de La Nuit, du peintre suisse Ferdinand Hodler (1853-1918), qui donne au sommeil un sens énigmatique et menaçant, s'inscrivant dans la lignée des allégories du cauchemar :





Dans un tableau, nous sommes entraînés à reconnaître, s’il y a lieu, une allégorie à partir d’un certain rapport entre la peinture et le titre. De tels procédés rhétoriques, nous le retrouvons dans de nombreux discours didactiques, quand ils optent pour le style « imagé ». Par ailleurs, des déplacements de ce genre peuvent se trouver à la base d’intuitions fécondes (représenter le temps dans l’espace, par exemple) : ce n’est jamais qu’une duplication de la question sémiotique – quelque chose réfère à autre chose. Par contre, on a vite fait d’accepter comme naturelles toutes les connotations associées à l’image choisie et d’autre part, quand une notion clé d’un discours est précisément le résultat d’un glissement de ce type, elle peut entrer dans des affirmations à la fois gratuites et incontestables à l’intérieur du système ainsi établi. En tout cas, ce n’est pas anodin de donner consistance à ce qui n’en a pas, c’est un cas bien particulier d’analogie, à repérer. Illustration de propos abstraits, ou rêve éveillé ?


PPS :

À propos du choix d’une peinture aborigène (cinq rêves), comme point de comparaison : de telles oeuvres se veulent la perpétuation d’une tradition artistique en partie rupestre, très ancienne et conservatrice, tournée vers un « temps du rêve », qui se confond avec les mythes des origines. Enfin, ce que j’en sais, c’est à partir d’une expo vue autrefois dans l’ex-musée de la Porte dorée (le musée colonial d’avant les délires chiraco-nouvelliens du quai Branly) et de bouquins : Religions Australiennes de Mircea Eliade ou L’Art des Aborigènes d’Australie de Wally Caruana (Ed Thames & Hudson).

J’ai trouvé aussi une page perso sur le sujet.


Clifford Possum Tjapaltjarri,
Lurrulurru Dreaming, 1989

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2 commentaires:

François a dit…

C'est clair, cette toile est vraiment à insérer dans la lignée des "allégories" du cauchemar, comme tu dis. Merci!

A "allégorie", je préfèrerais perso le terme de "représentation", plus neutre, et qui laisse de côté les problèmes de rapports inter-sémiotiques pour se concentrer sur le sens, la symbolique... mais c'est vrai qu'à partir d'un moment il faut trancher, et voir si on parle d'allégorie ou d'autre chose. Dans le cas de Fussli, je pense que c'est tout aussi indécidable que pour Hodler.

Gilles F. a dit…

Tu as raison, la représentation onirique n'est pas automatiquement une allégorie du rêve, comme mon propos le suggère.