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Les biographes de Klee passent rarement à côté de sa passion pour la musique (son instrument etait le violon). Ce goût a été l’origine d’une recherche très poussée dans la lignée des démarches « Synesthétiques » du XIXe siècle (du côté français du mouvement : poésie de Baudelaire, de Rimbaud…). On peut juger de l’enthousiasme du peintre pour ce rapprochement entre deux arts, à travers cette citation de sa « Théorie de l’art moderne » :
« Ce qui était déjà accompli pour la musique avant la fin du XVIIIe siècle vient enfin de commencer dans le domaine plastique. Mathématiques et physique en fournissent la clé sous forme de règles à observer ou dont s’écarter. »
Kandinsky avait déjà entrepris d’attribuer des couleurs aux sons de tel ou tel instrument à l’époque du « cavalier bleu ». Au début des années vingt, Klee tente pour sa part la transposition elaboree d’un genre musical en peinture, expérience ainsi résumée par l’un de ses commentateurs en France :
« Il existe en effet dans la peinture de Klee quelques fugues, comme « Fugue en rouge », « Ville de rêve » ou « croissance des plantes nocturnes ». La fugue est l’une des formes les plus accomplies de la musique occidentale ; on la retrouve notamment chez Bach, où elle est à son apogée, chez Mozart, Beethoven, Mendelssohn, et déjà, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, chez de nombreux autres compositeurs. Caractérisée par une écriture contrapuntique d’une extrême rigueur, elle s’articule en trois parties principales : l’exposition thématique, son développement et son résumé appelé strette. Il est inutile d’entrer ici plus avant dans le détail de son architecture ; pour comprendre le rôle qu’elle a joué dans la peinture de Klee, retenons qu’elle comporte des réponses d’une partie à l’autre, réglées selon une stricte polyphonie. On constate la même particularité dans « Fugue en rouge », où les quatre principaux éléments thématiques, parmi lesquels on reconnaît une cruche, se développent et se répondent, tant sur le plan formel que sur celui des couleurs, qui vont du rose au jaune et au violet. Les analogies avec la fugue sautent aux yeux : son battement, son rythme, tout y semble scandé avec une précision de métronome. »
Jean-Louis Ferrier, Paul Klee, éd. Terrail.
Les biographes de Klee passent rarement à côté de sa passion pour la musique (son instrument etait le violon). Ce goût a été l’origine d’une recherche très poussée dans la lignée des démarches « Synesthétiques » du XIXe siècle (du côté français du mouvement : poésie de Baudelaire, de Rimbaud…). On peut juger de l’enthousiasme du peintre pour ce rapprochement entre deux arts, à travers cette citation de sa « Théorie de l’art moderne » :
« Ce qui était déjà accompli pour la musique avant la fin du XVIIIe siècle vient enfin de commencer dans le domaine plastique. Mathématiques et physique en fournissent la clé sous forme de règles à observer ou dont s’écarter. »
Kandinsky avait déjà entrepris d’attribuer des couleurs aux sons de tel ou tel instrument à l’époque du « cavalier bleu ». Au début des années vingt, Klee tente pour sa part la transposition elaboree d’un genre musical en peinture, expérience ainsi résumée par l’un de ses commentateurs en France :
« Il existe en effet dans la peinture de Klee quelques fugues, comme « Fugue en rouge », « Ville de rêve » ou « croissance des plantes nocturnes ». La fugue est l’une des formes les plus accomplies de la musique occidentale ; on la retrouve notamment chez Bach, où elle est à son apogée, chez Mozart, Beethoven, Mendelssohn, et déjà, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, chez de nombreux autres compositeurs. Caractérisée par une écriture contrapuntique d’une extrême rigueur, elle s’articule en trois parties principales : l’exposition thématique, son développement et son résumé appelé strette. Il est inutile d’entrer ici plus avant dans le détail de son architecture ; pour comprendre le rôle qu’elle a joué dans la peinture de Klee, retenons qu’elle comporte des réponses d’une partie à l’autre, réglées selon une stricte polyphonie. On constate la même particularité dans « Fugue en rouge », où les quatre principaux éléments thématiques, parmi lesquels on reconnaît une cruche, se développent et se répondent, tant sur le plan formel que sur celui des couleurs, qui vont du rose au jaune et au violet. Les analogies avec la fugue sautent aux yeux : son battement, son rythme, tout y semble scandé avec une précision de métronome. »
Jean-Louis Ferrier, Paul Klee, éd. Terrail.
Cette technique inspirée du contrepoint musical a permis à Paul Klee d’aligner les chefs d’œuvre à l’aquarelle au cours de l’année 1921, avec notamment :
Jardin sec et frais
Il me semble qu’une des originalités de Paul Klee a été, au lieu d'associer une couleur a tel ou tel instrument ou d’établir une synesthésie par correspondance entre la hauteur des notes de musique et la chaleur des tons, en utilisant toute la gamme colorée, de se reposer plutôt sur les contrastes de clarté et d’intensité, et, au lieu de se perdre dans les motifs complexes suggérés par l’air musical, de traiter le signal simple et dense que constitue telle ou telle surface colorée à l’égal d’un motif complexe en musique, pour le faire résonner comme on le fait dans un canon (je frime, je serais bien incapable de parler de musique en détail). Ainsi a-t-il pu penser résumer l’esprit de la fugue en un tableau simple, concis.
En cela, la source d’inspiration me semble tout aussi visuelle que sonore. Ceux qui ont déjà éprouvé du plaisir à contempler, au saut du lit, la petite image du soleil diffractée par les persiennes et se répercutant sur le mur, démultipliée, possèdent sans doute leur propre clé pour entrer dans cette partie de l’œuvre, que l’on peut apprécier sans être forcément féru de musique ou synesthète.
(A propos de synesthesies, on trouvera par ailleurs ici un article qui tente de faire le bilan de recherches diverses. Mais au fond la demarche de Klee semble assez eloignee de la synesthesie passive.)
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