dimanche 16 mars 2008

Nombre d'or et phénomènes de foire

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« Le nombre d’or : réaction du cerveau à des sculptures classiques ou de la renaissance. »


Tel était, en gros (« The Golden Beauty: Brain Response to Classical and Renaissance Sculptures »), le titre d’un compte rendu d’expériences publié par des chercheurs en neurosciences des universités de Parme et de Rome (Cinzia Di Dio, Emiliano Macaluso, Giacomo Rizzolatti). Article commenté dans le n°25 du magazine Cerveau et psycho : « Le nombre d’or au cœur du cerveau ? ».


L’étude suggère que l’être humain serait intrinsèquement sensible aux proportions de l’art classique. Et comme d’habitude, là où une passerelle est jetée entre les sciences de la vie et l’esthétique, le nombre d’or refait surface. Je me suis dit : intéressant, en tant que littéraire j’ai tendance à surévaluer les explications linguistiques et culturelles, c’est donc toujours instructif de découvrir un autre aspect des choses.


Sauf que


Je ne peux évidemment rien contester des conclusions de l’observation, n’étant pas très calé dans ce domaine, mais quelques détails simples dans le protocole expérimental m’ont un peu troublé. Déjà, à propos des cobayes : quinze volontaires « droitiers et en bonne santé », des étudiants « sans expérience de la théorie artistique ».


Des observateurs naïfs, des bons sauvages étrangers à l’art classique, à Rome et à Parme ? Je suis surpris. Et même un peu sceptique.


Ensuite, ces sujets ont été mis face à différents stimuli visuels, correspondant ou non aux proportions classiques. Voici un échantillon de ces images. La figure du milieu est l’original, celles de gauche et de droite ont été modifiées pour ne plus correspondre au canon (agrandissez l’image en cliquant dessus) :





Et alors là… Bon, je ne sais pas si toutes les images utilisées étaient du même style, mais en tout cas, ce qu’on voit ici ne nous rassure pas sur le sérieux de l’expérience. Parce qu’utiliser des images d’œuvres classiques déformées avec Photoshop pour représenter des archétypes non-classiques, cela paraît un peu tautologique. En plus, l’exemple donné est une photo de sculpture grecque déhanchée, avec un raccourci sur une jambe. Si on étire, compresse ou copie-colle n’importe comment des parties de cette image, rien ne va plus évidemment : les hanches ne sont plus l’une en face de l’autre, la cage thoracique est déséquilibrée, les épaules sont décentrées par rapport au bassin, l’équilibre fout le camp. Ou bien ce sont les jambes qui n’ont plus la même longueur, le même rapport fémur/tibia…


Avec de telles images, on vérifie seulement que le regard (occidental) est sensible à la symétrie et à l’équilibre de la forme humaine mais on ne peut pas affirmer que des proportions savantes ont été prises en compte dans le jugement.


Ou alors je n’ai pas compris toute l’expérience. Que des chercheurs aussi pointilleux sur les mesures laissent passer quelque chose d’aussi énorme, ça me semble tout simplement incroyable.


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1 commentaire:

François a dit…

Et puis, c'est vrai qu'en plaçant l'original au milieu, on n'a pas du tout l'impression d'une gradation, avec chez le premier les jambes raccourcies, et chez le dernier les jambes rallongées. Qu'est-ce qu'elle est décisive cette expérience! Le nombre d'or a de beaux jours devant lui.