Une photo de Simone de Beauvoir à poil rendue publique par une Tartufferie du Nouvel Obs a fait réagir pas mal de monde, là par exemple ou là, là…
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À présent (11-01), les explications du photographe et sa réaction au fait que la photo ait été retouchée se trouvent en ligne sur ASI.
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Au-delà de ce qui a pu irriter les féministes dans cette image de leur icône nue de dos, je me demande si cette indignation ne reflète pas un certain vertige face à l’abîme que creuse l’effondrement, qui n'en finit pas, du portrait traditionnel (et l'hypertrophie que cette forme subit par contrecoup dans la publicité).
C’est devenu un lieu commun, que la presse people et les sites de partage d’images ne cessent de réaffirmer : le corps de n’importe qui, dans n’importe quelle position et situation, peut être publié n’importe où. Quand il s’agit d’un « intellectuel », nous avons tendance à nous agripper de toutes nos forces au visage, ce lieu où est censée transparaître une intériorité mythique (moins ce visage exprime effectivement de choses, et plus nous serons contentés). Aussi, plus ce visage s’éloigne, plus nous estimons que l’intellectuel est en vacances, ou soumis aux contingences d’une vie pratique. Il existe un cas d’école où l’imagerie suit la carrière d’un écrivain :
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Deux iconographies totalement opposées s’offrent aux biographes de Rimbaud : que des portraits pour la période de création (plus quelques dessins d’amis et le tableau de Fantin-Latour, portrait de groupe); que des photos où il est à peine reconnaissable dans le paysage pour la période de silence. L’époque de Rimbaud, c’est aussi la charnière de la modernité photographique (la photo s’émancipant de la peinture et mélangeant les genres - la peinture s'émancipant d'elle même, avec moins de certitudes sur sa destinée).
À l’heure où l’image d’un écrivain en chaussettes peut apparaître n’importe où en temps réel sur Internet, peut-être entre une photo d’un lapin sodomisant une poule et une vidéo d’otage égorgé par des encagoulés verts, cet écrivain devra-t-il passer par l’ascèse de l’anonymat et de la défiguration (iconographique) totale pour pouvoir sortir des barreaux de sa carcasse (« Je est un autre », etc.) ?
Signalons au moins un aspect positif de ce phénomène : la mise en place d’un culte de la personnalité est de plus en plus précaire (mais quand on a vraiment les moyens de s’organiser, alors là… Quel feu d’artifice ! On n’en est pas encore débarrassés !)
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Autre exemple: cette rencontre paradoxale du portrait d'écrivain et de la photo de faits divers, avec ces images mortuaires du romancier suisse Robert Walser mort gelé au cours d'une marche dans la campagne (retrouvées dans l'archive du blog de P Assouline):
Je ne sais pas si un éditeur choisirait ce portrait pour orner le quatrième de couverture des Enfants Tanner, pourtant, c'est dans ce roman si je me rappelle bien, que l'on trouve une scène étrangement prémonitoire où l'un des personnages est retrouvé sans vie dans la neige.
(18-01-08)
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