Du coq à l'âne, je reviens à mes histoires de tigres, sous l'angle du conte populaire en Corée.
En lisant le conte coréen qui suit, le Jugement du lapin...
- L'histoire d'un tigre qui tombe dans un trou: arrive un homme, qui a pitié de lui et l'aide à sortir.
Ingrat, le tigre veut le dévorer immédiatement. L'homme obtient par des suppliques que l'on s'en remette au jugement d'un tiers pour voir si cette fin est juste ou non.
Trois juges se prononceront tour à tour sur la question: un pin, un boeuf et un lapin.
Jugement du pin: l'homme n'est bon qu'à transformer les arbres en planches ou en bois de chauffage. Quant au piège où est tombé le tigre, il a été creusé de main humaine. Que l'homme meure.
Jugement du boeuf: l'homme lui fait porter de lourdes charges, labourer des champs, et l'abat quand il est épuisé. L'homme ne connaît donc rien à la gratitude: libre au tigre de le tuer.
Jugement du lapin: celui-ci exige que l'on procède à une reconstitution avant de se prononcer. Le tigre retourne donc dans le trou et l'homme regagne sa posture de départ. Puis vient le verdict: le problème a commencé quand l'homme a aidé son prédateur, et tout est à présent à sa place - que le tigre reste au fond de son trou. Une morale finalement assez ironique: il faut effacer la bonne action pour rétablir l'ordre des choses. -
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... Je me suis vaguement rappelé qu'il existait une fable de La Fontaine assez semblable, sans trop chercher les raisons de cette coïncidence (je me suis dit que l'emperruqué avait dû pomper chez les chinois et puis voilà.)
Il s'agit de L'Homme et la Couleuvre qui inverse les rôles: c'est l'animal qui plaide pour que l'homme épargne sa vie. Les juges sont une vache, un boeuf et un arbre. Et cette fois-ci, le prédateur exécute l'innocent. Il s'agit moins d'absurdité que d'arbitraire des puissants.
Quand j'ai vu que La Fontaine revendiquait une filiation avec les contes indiens du Panchatantra, j'ai compris du même coup d'où venait le récit extrême oriental - probablement passé de l'Inde à la Corée à travers la chine (en même temps que les Sûtras bouddhiques? ...)
Le conte indien d'origine serait Le brahmane et le crocodile, et les trois juges un manguier, une vache et un chacal. Et comme le recueil du Panchatantra a été traduit en arabe (le Livre de Kalila et Dimna), ça ne m'étonnerait pas qu'on voie se balader une histoire semblable jusqu'en Afrique sub-saharienne.
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2 commentaires:
Hou la la, tu te lances dans la reconstitution des trajets de la littérature orale! Bon courage :-)
Non non, je ne me lance pas, je lance le truc, tel qu'il m'a frappé - avec un gros point d'interrogation.
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