lundi 18 février 2008

Le Nez

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De fil en aiguille et à propos de sujets parfois différents, il s’est amorcé ici une petite série de billets parlant d'œuvres d’Alberto Giacometti (1, 2, 3). Continuons donc sur cette lancée:


Après avoir mentionné l’Homme au doigt et l’Objet invisible, il faudrait ajouter à notre catalogue au moins une autre sculpture, le Nez :







- modèle en plâtre de ce bronze daté de 1947, un tournant dans la carrière de l’artiste, puisque, outre cette œuvre qui compte parmi les plus célèbres, cette année voit naître L’Homme au doigt et surtout L’Homme qui marche, création la plus emblématique de Giacometti et peut-être la plus reproduite en images.



C’est aussi une époque où les productions du sculpteur prennent souvent la forme du fragment et du signe élémentaire, avec par exemple la Main :








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et la Jambe :







Le Nez s’inscrit dans cette série qui met le spectateur face à des débris énigmatiques dont le contexte semble à jamais perdu (avec ce phénomène de renvoi à l’absence dont on a parlé ici). Parmi les sources de cette sculpture, on a cité des masques océaniens au long nez, et peut-être un crâne de narval.
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21 - 02 - 08:
Une autre référence qui vient de me venir à l'esprit, mais dont je ne peux pas affirmer absolument la pertinence: les Pinocchio au nez allongé, de Collodi à Disney (1940).
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Mais pour être complet, il faut aussi mentionner un épisode biographique : des années auparavant, le sculpteur avait été marqué par la perte d’un ami d’un certain âge qu’il avait assisté dans ses derniers instants. Amaigrie par la maladie, cette personne lui avait semblé attaquée depuis le nez. D’où l’idée de cette tête à la bouche ouverte suspendue dans une cage et dont le nez dépasse déjà hors de ce qui lui a été imparti : il semble que l’artiste ait voulu transcrire son sentiment d’impuissance face à la terreur du mourant.

Une des originalités de cette œuvre, c’est l’importation du cadre dans le domaine de la sculpture, cadre dont la fonction est immédiatement détournée, puisque justement il ne parvient pas à contenir l’objet.

Tout à fait à part, il me semble déceler la trace de ce Nez dans un élément décor élaboré par H R Giger pour le premier Alien (d’origine suisse - comme Giacom. - ce décorateur a, je crois, adhéré à un mouvement surréaliste tardif : le rapprochement paraît donc motivé).


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bien que les oeuvres de Giacometti ne s'inscrivent pas pour moi dans un catalogue de "beauté", mais une chose est sûre elle sont très marquantes et uniques, je dirai très ressemblantes même. Pour ces oeuvres-là, il faut bien aller au-delà et chercher les états-d'âmes de l'artiste, encore plus de n'importe quel autre peut être. Vos explications sont très pertinentes pour accompagner les contemplateurs de ces oeuvres:-)
(Je vous ai promis de revenir pour commenter, voilà, c'est fait)